METAPHYSIQUE ET THEODICEE

632. Définition et division.
La métaphysique est la science des premiers principes et des premières causes. ( Aristote, Métaphy. Liv. II, ch. II. ) Toutes les sciences étudient des principes et des causes, mais des causes secondes et des principes dérivés. La métaphysique s’élève jusqu’aux principes qui n’ont pas de principe avant eux, et jusqu’à la cause ou aux causes qui n’ont plus de cause ( 11 ).
La métaphysique a été divisée en deux parties : 1° la métaphysique générale ou ontologie, qui traite des principes d’une manière abstraite et générale et qui considère, selon l’expression d’Aristote, l’être en tant qu’être ; 2° la métaphysique spéciale, qui traite des êtres et qui se divise en trois parties : a) la psychologie rationnelle ou science de l’âme ; b) la cosmologie rationnelle, ou philosophie de la nature, théorie du monde en général, de l’essence de la matière, etc. ; c) la théologie rationnelle ou théodicée.
633. La métaphysique depuis Kant.
La métaphysique, depuis Kant, s’est proposé un problème nouveau : celui des rapports du sujet et de l’objet, de la pensée et de l’être. Comment passer du sujet à l’objet ? Comment la pensée peut-elle s’accorder avec la réalité ? Telle est la question fondamentale de la métaphysique dans notre siècle. Nous l’examinerons brièvement, en essayant de faire connaître les diverses solutions qui ont été proposées.
Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que, depuis la critique de Kant, ce qu’on appelait dans les écoles ontologie a cessé d’avoir son intérêt et son utilité. Kant lui-même lui laissait une place dans le cadre de sa philosophie. « Il distinguait la critique de la raison pure et le système de la raison pure ( Critique de la raison pure, méthodologie, ch. III ). La critique n’excluait pas le système, c’est-à-dire l’enchaînement théorique des notions premières et de leurs dérivées : or c’est cela qu’on appelle ontologie. ». Quelque opinion qu’on ait sur l’objectivité des notions, il y a toujours lieu d’énumérer, de définir et de classer les notions fondamentales et les plus générales de l’esprit humain, notions dont l’usage est d’une absolue nécessité dans toute discussion philosophique.
Nous donnerons donc d’abord, en résumé, un très court traité d’ontologie ; nous passerons ensuite au problème de l’objectivité de nos connaissances.
Dans la métaphysique spéciale, nous insisterons surtout sur la psychologie rationnelle et sur la théodicée ; et nous nous bornerons à quelques indications sur les principaux problèmes de la cosmologie rationnelle.

CHAPITRE PREMIER
Ontologie


L’ontologie est la science de l’être en tant qu’être, c’est-à-dire de l’être en général, de ses diverses espèces, de ses propriétés et de ses relations.
634. De l’être en général. Définitions et divisions.
L’idée d’être étant l’idée la plus générale de l’esprit humain, ne peut pas être définie : on peut néanmoins en indiquer les différents sens. Dans un sens strict ( stricto sensu ), l’être s’oppose au phénomène, ce qui est à ce qui paraît : c’est le permanent opposé au transitoire, la substance au mode. Mais dans le sens le plus général ( lato sensu ), l’être s’applique à tout ce qui participe à l’existence, à quelque degré que ce soit ; et non seulement à l’existence actuelle, mais à l’existence future, ou possible, ou même purement idéale : car tout cela c’est encore de l’être. Quelques philosophes, voulant exprimer cette absolue généralité, ont dit que la notion la plus générale n’était pas celle de l’être, mais celle du quelque chose, de l’aliquid. Mais le quelque chose est encore une espèce de l’être ; et il vaut mieux conserver cette dénomination, qui représentera pour nous l’existence à quelque degré que ce soit, ne fût-ce que dans la pensée.
Cela posé, on distinguera divers modes de l’être : le possible, le réel et l’impossible ; le contingent et le nécessaire ; le fini et l’infini, le relatif et l’absolu ; l’imparfait et le parfait.
635. Le possible, le réel, l’impossible.
L’œuvre de Paul Janet