PAUL JANET
Membre de l'institut,
professeur à la faculté de lettres de Paris 1879.



TRAITE ELEMENTAIRE DE PHILOSOPHIE


Texte annoté par ANDRE pierre jocelyn

INTRODUCTION
OBJET ET DIVISION DE LA PHILOSOPHIE


1.Sens usuel du mot philosophie

Dans le langage ordinaire, le mot philosophe est souvent employé pour désigner un homme qui supporte avec courage la douleur et l’adversité, et qui sait aussi se conduire avec modération dans la prospérité : Aequam mememto rebus in arduis servare mentem non secus in bonis ( Horace, Odes II,3 ). Dans ce sens tout pratique, le philosophe est un sage, et la philosophie n’est autre chose que la SAGESSE.
A un autre point de vue, un philosophe est un esprit curieux, difficile, qui se rend compte de ses idées, qui ne croit pas légèrement à la parole d’autrui, mais s’en rapporte à sa propre raison, qui en un mot examine avant de juger. Ainsi entendue, la philosophie est le LIBRE EXAMEN.
On appelle encore philosophie, et c’est une conséquence du sens précédent, un esprit qui pense, qui médite, qui réfléchit, qui cherche le sens des choses et de la vie humaine. La philosophie est la REFLEXION.
On convient aussi généralement que celui qui, dans les divers ordres de connaissances, s’élève plus haut que les faits, conçoit des rapports, unit, classe, voit de haut, qui enfin généralise ou remonte aux principes, est un esprit philosophique. La philosophie est la recherche des IDEES GENERALES ou des PRINCIPES.
En résumant et rassemblant ces différentes idées, on dira : La philosophie est la sagesse fondée sur des principes acquis par la libre réflexion.

2.La philosophie comme science.

Telle sera la définition de la philosophie, telle qu’elle ressort de l’usage populaire du mot ; voyons maintenant si l’analyse scientifique et méthodique nous conduira à un résultat analogue. L’usage populaire a surtout rapport à la pratique, et désigne plutôt une disposition de l’esprit qu’une science proprement dite. Nous avons à nous demander maintenant ce que c’est que la philosophie considérée comme une science. Mais d’abord, qu’est-ce qu’une science ?

3.Définition de la science.

La science a pour objet la recherche des causes. ( Savoir, dit Aristote, c’est connaître par la cause.(Anal.post,II,x.)). C’est donc savoir le pourquoi des choses. Ainsi, le vulgaire sait que le tonnerre se produit lorsqu’il fait très chaud et qu’il y a des nuages épais, et ordinairement une forte pluie. Le savant est celui qui sait pourquoi cela a lieu, et par exemple que la foudre est une étincelle électrique produite par la rencontre de deux nuages chargés d’électricité contraire.
La science ne cherche pas seulement le pourquoi des choses ; elle en cherche aussi le comment. Ainsi le vulgaire voit bien que les corps tombent, mais le physicien nous apprend comment il tombent, par exemple, selon la loi du mouvement uniformément accéléré.
Le comment des phénomènes ou des choses est ce qu’on appelle leur loi ; le pourquoi est ce que l’on appelle leur causes. La science prise d’une manière générale est donc la RECHERCHE DES CAUSES ET DES LOIS.
La science en général étant définie comme nous venons de le dire, les différentes sciences se distinguent les unes des autres par leur objet. Aussitôt que l’on peut signaler un objet distinct, susceptible d’être étudié et connu, il y a lieu de reconnaître l’existence d’une science spéciale.

4.Méthode pour déterminer l’objet de la philosophie.

Pour déterminer l’objet ou les objets ( car il peut y en avoir plusieurs ) de la science philosophique, notre méthode sera de passer en revue les divers objets de nos connaissances, ainsi que les sciences universellement reconnues qui s’occupent de ces objets. Que si, après avoir épuisé l’énumération de toutes ces sciences, il reste encore quelque objet qui n’a pas été nommé, cet objet pourra être considéré comme un bonum vacans qui appartiendra à qui voudra s’en emparer. La nécessité d’une science de plus sera démontrée, et il ne s’agira plus que de savoir si cette science nouvelle n’est pas précisément la philosophie elle-même.

5.Objets des diverses sciences. Les corps ;corps vivants et corps bruts.

Les premiers objets qui se présentent à nous et sur lesquels l’attention des hommes a dû se porter, ce sont les corps ; et comme il y a deux sortes de corps, les corps bruts ou inorganiques, et les corps organisés ou vivants, il y aura deux sortes de sciences : la science des êtres vivants ou BIOLOGIE, et la science des corps non vivants, que nous appellerons PHYSIQUE.
Il y a deux sortes d’êtres qui vivent, les plantes et les animaux ; il y aura donc deux sciences biologiques, la BOTANIQUE et la ZOOLOGIE.


6.Choses et phénomènes.

Quant à la science, ou aux sciences de ce qui ne vit pas la division est plus délicate.
Nous dirons d’abord que dans la nature on peut distinguer deux points de vue : ou les choses elles-mêmes, ou les phénomènes. Ainsi une pierre est une chose, un métal est une chose ; l’eau l’air sont des choses, mais le son, la lumière, la chaleur ne sont que des phénomènes. Pour qu’il y ait son, lumière, chaleur, il faut qu’il y ait des choses sonores, lumineuses, échauffées. Ainsi les phénomènes ne sont pas par eux-mêmes et supposent des choses. Cependant ils peuvent être observés et étudiés indépendamment des choses. La science des phénomènes généraux de la nature est la PHYSIQUE proprement dite ; les savants qui s’occupent de ces phénomènes, de leurs causes et de leurs lois sont appelés physiciens.

7.Les astres. La terre. Les minéraux. Corps simples et composés.

Quant à l’étude des choses, elle se subdivise à son tour ainsi qu’il suit :
Si nous élevons les yeux au-dessus de nos têtes, nous apercevons une multitude de corps lumineux dont le nombre et les mouvements nous étonnent ; ce sont les astres : la science de ces corps s’appelle ASTRONOMIE.
Parmi ces astres, le seul que nous connaissions directement, c’est la terre, et la science qui y correspond est la GEOLOGIE. Les divers objets matériels qui sont à la surface de la terre ou qui en forme la composition, sont ce que l’on appelle des minéraux, et ils sont l’objet de la MINERALOGIE. Maintenant l’expérience nous apprend que ces corps changent de structure et de propriétés, suivant qu’on en associe ou qu’on en sépare les éléments. La science qui a pour objet les compositions et les décompositions des corps, qui par l’analyse redescend des composés à leur éléments, et par la synthèse remonte de ces éléments aux composés, s’appelle la CHIMIE.

8.Objets mathématiques. Nombres et choses mesurables.

L’énumération précédente comprend toutes les sortes d’objets sensibles, qui tombent sous notre expérience, et il semble que le cercle des sciences soit épuisé. Il s’en faut de beaucoup. Grâce à une certaine faculté appelée abstraction, que nous étudierons plus tard, nous pouvons appliquer notre esprit non plus seulement à des choses réelles et concrètes ( arbres, pierre, cheval ), mais à des qualités qui, tout en étant extraites de la réalités, ne correspondent pas cependant à des réalités, et semblent n’être que des conceptions de notre esprit. Expliquons-nous.
Lorsque nous avons devant les yeux plusieurs objets, par exemple plusieurs arbres, plusieurs pierres, nous distinguons chacun de ces arbres et chacune de ces pierre, en particulier, de leur réunion ou multitude, et nous disons : un arbre, une pierre, plusieurs arbres, plusieurs pierres. Jusqu’ici, rien qui dépasse en apparence le domaine des sens, mais si nous voulons savoir combien il y a d’arbres, combien il y a de pierres, les sens ne suffisent plus. Il faut un certain nombre d’opérations, aidées de signes ; et la science qui nous apprend à pratiquer ces opérations et à comprendre ces signes est l’ARITHMETIQUE. On peut donc définir l’arithmétique la science du combien, ou la science des nombres : car le nombre est précisément ce qui exprime le combien des choses. Le nombre est une qualité abstraite qui ne tombe pas sous le sens et qui ne se sépare jamais des choses où elle se rencontre.
La science des nombres fait partie d’un groupe de sciences que l’on appelle les MATHEMATIQUES, qui ont toutes pour objet l’étude des quantités mesurables.
Qu’est-ce que la quantité ? C’est, nous disent, les mathématiciens, tout ce qui est susceptible d’augmentation et de diminution. Ainsi un temps, un chemin, une somme d’argent, sont des quantités, car le temps, le chemin, la somme, peuvent être plus ou moins grands. Mais il ne suffit pas qu’une chose soit plus ou moins grande pour être l’objet des mathématiques ; il faut, de plus, qu’elle soit susceptible de mesure. Qu’est-que la mesure ? Mesurer, c’est comparer une multitude d’objet avec un de ces objets pris comme terme de comparaison, que l’on appelle unité, et de déterminer combien de fois l’unité est contenue dans la multitude ; par exemple, mesurer un champ, c’est chercher combien de fois il contient une certaine unité appelée mètre. Toutes les fois dons qu’un objet est tel que l’on peut prendre une de ces parties comme unité, et dire combien le tout renferme de ces parties, un tel objet est mesurable, et il peut devenir l’objet des mathématiques. De ce genre sont : l’espace ou l’étendue, objet de la GEOMETRIE ; le mouvement, objet de la MECANIQUE. Telles sont, avec l’arithmétique, les deux sciences essentiellement mathématiques : car l’algèbre n’est qu’une arithmétique généralisée ; le calcul intégral et différentiel n’est qu’une extension de l’algèbre, et le calcul des probabilités n’en est qu’un cas particulier.
Annotations de Apj : ( La division des sciences physiques n’est pas très précise. Les deux paragraphes 6 et 7 seraient à refaire. Je pense que l’algèbre est une arithmétique que l’on a essayée de généraliser. L’algèbre est une arithmétique de négoce qui utilise le zéro, ce qui est une ses particularités principales. Je pense qu’il existe une autre arithmétique sans zéro avec un modèle exponentiel pour les sciences avec pour application la santé ou le corps de l’homme. Je pense aussi qu’il existe une troisième arithmétique toujours exponentiel dirigée vers l’esprit de l’homme donc vers Dieu.

9.Le monde moral. L’espèce humaine.

Toutes les sciences précédentes ont pour objet le monde physique, car les notions mathématiques elles-mêmes sont tirées du monde physique ou s’y appliquent. Mais le monde physique est-il tout ? N’y a-t-il pas un autre ordre de faits et de vérités que l’on appelle le monde moral, et qui mérite autant que le premier, et plus peut-être, l’étude des savants ?
Parmi les êtres qui couvrent la surface de la terre, il en est un qui nous intéresse particulièrement, puisque c’est nous-mêmes. Cette classe d’êtres est ce que l’on appelle l’espèce humaine, le genre humain, l’homme. Considéré du dehors, l’homme se présente à nous comme semblable aux autres êtres qui l’entourent ; c’est un corps ; il ressemble aux animaux, vit, naît et meurt, comme eux. Lorsqu’on ouvre son corps, on voit qu’il est organisé de la même manière que les animaux supérieurs : c’est un mammifère, un vertébré. A ce titre, il appartient, comme objet, à une science déjà connue et mentionnée plus haut, la zoologie. Jusqu’ici rien de nouveau.
Mais si l’homme, par son organisation physique, fait partie du monde animal, il est certain qu’il se distingue des autres animaux par des caractères essentiels : et d’ailleurs, dans l’animal lui-même, il y a des qualités, des aptitudes, qui ne sont pas purement physiques. Ces aptitude, qui sont dans l’homme bien autrement développées, sont ce que nous appellerons le moral.
L’homme, comme être moral, peut être considéré à plusieurs points de vue différents :
1° Tandis que, chez les animaux, les individus diffèrent peu les uns des autres, et mènent par conséquent une vie presque entièrement semblable et uniforme, dans l’humanité, au contraire, l’individu ayant pris une grande importance, il s’ensuit une grande diversité dans la vie de chacun, et comme résultante de toutes ces actions diverses, une grande diversité d’évènements. Puis, l’homme étant doué de la mémoire réfléchie et de la faculté de mesurer le temps, de l’attribut de la parole et de l’écriture, il commence par raconter oralement, puis consigner par écrit tous les évènements qui l’intéressent ou qui intéressent sa famille, sa tribu, sa nation, et enfin l’humanité : de là une science, ou plutôt un groupe de science que l’on appelle HISTOIRE ou SCIENCES HISTORIQUES ( histoire, archéologie, épigragie, numismatique, géographie ).
2° Tandis que l’animal ne possède que le langage inarticulé ou le cri, l’homme possède le langage articulé ou la parole. La parole se modifie suivant les temps et les lieux et donne naissance à ce que l’on appelle les langues. De là un nouveau groupe de sciences, ou SCIENCES PHILOLOGIQUES ( philologie, étymologie, paléographie, etc. )
3° Enfin, tandis que l’animal, ou vit isolé, ou il vit en groupe, ne paraît pas doué de la faculté de réfléchir sur la société dans laquelle il vit, l’homme vit en société ; il forme des Etats, des cités, des républiques. Il se donne à lui-même des lois. Institutions, lois, richesse publique et privée, autant de faits donnant naissance à un troisième groupe de sciences : SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES ( politique, jurisprudence, économie politique ).

10.L’esprit humain.

Les sciences que nous venons de signaler, à savoir, les sciences historiques, philologiques, politiques, sont ce que l’on appelle les sciences morales, mais elles ne sont pas encore la philosophie elle-même. Demandons-nous maintenant s’il n’y a pas encore un point de vue sous lequel la nature humaine peut être considérée, et qui se distingue des points de vue précédents.
Nous avons distingué le moral du physique, mais que doit-on appeler le moral ? On appelle faits moraux de la nature humaine ceux qui ne peuvent jamais être atteints directement par les sens et qui ne sont connus qu’intérieurement par celui qui les éprouve, par la pensée, le sentiment, la volonté. Or les sciences précédentes n’étudient encore que les manifestations extérieures des faits moraux, mais ne les étudient pas en eux-mêmes. Le langage, expression de la pensée, n’est pas cependant la pensée. Les évènements historiques, effets des passions et des volontés des hommes, ne sont cependant ni ces passions, ni ces volontés. Les sociétés humaines, manifestations de l’instinct de sociabilité et organes de la justice, ne sont cependant ni la sociabilité, ni la justice. Enfin tous les faits sociaux, historique, sont le dehors de l’esprit humain, ils ne sont pas l’esprit humain.
On appelle esprit humain l’ensemble des facultés intellectuelles et morales de l’homme, telles qu’elles se manifestent intérieurement à chacun de nous à mesure qu’il les exerce. Quand je pense, je sais que je pense ; quand je souffre, je sais que je souffre ; quand je veux, je sais que je veux ; et nul autre ne le sait que moi, ou par moi ; autrement le mensonge serait impossible. Cet avertissement intérieur qui accompagne chacun de nos actes intérieurs ( et que nous étudierons plus tard ) s’appelle la conscience ou le sens intime. Le principe intérieur qui s ‘attribue ces actes intérieurs, et qui se traduit grammaticalement par le pronom de la première personne, je ou moi, s’appelle le Moi, ou le sujet, ou enfin l’âme. Tout ce qui a rapport au sujet, c’est-à-dire au moi, c’est-à-dire au principe intérieur qui a conscience de lui même, s’appelle subjectif ; réciproquement, tout ce qui est en dehors du moi est pour lui objectif, lui sert d’objet. Toutes les sciences morales qui étudient l’homme par le dehors ( langage, faits historiques ou sociaux ) se placent encore au point de vue objectif. Il reste donc à faire l’étude de l’homme au point de vue subjectif, c’est-à-dire l’étude de l’âme elle-même.
De là une science ou un groupe de sciences que nous appellerons SCIENCES PSYCHOLOGIQUES.

11. Premiers principes et premières causes.

N’eût-elle donc déjà que ce premier objet, à savoir, l’esprit humain, la philosophie aurait une raison d’exister et de ne confondre avec aucune autre science ; mais ce premier objet n’est pas le seul qui reste libre ; il y a encore un ordre de questions que les sciences proprement dites laissent en dehors de leur domaine, ou qu’elles ne peuvent aborder sans sortir de leurs propres limites.
Nous avons vu que chaque science est constituée lorsqu’elle a un objet distinct et déterminé. Pour établir les sciences particulières nous sommes obligés de diviser, de séparer la nature en compartiments. Chaque science étant ainsi placée à un point de vue exclusif et spécial, l’unité des chose lui échappe ; les ensembles s’effacent ; les rapports et les liens sont sacrifiés. Il y a donc un besoin légitime de l’esprit qui n’est pas satisfait par les sciences spéciales et qui demande satisfaction, à savoir : le besoin de synthèse. A quelles conditions ce besoin de synthèse sera-t-il satisfait ?
1° Tout le monde sait que dans toute science les faits et les lois qui constituent la partie positive de la science supposent ou suggèrent un certain nombre de considérations théoriques et générales que l’on appelle ordinairement la philosophie de cette science ; c’est la liaison de ces considérations entre elles, c’est la réduction de ces principes de chaque science à des principes plus élevés, c’est cela même qui peut constituer l’objet d’une science supérieur.
2° Lorsque l’on réfléchit sur ces principes des sciences, on s’aperçoit qu’il impliquent un certains nombre de notions générales, fondamentales, qui sont en quelque sorte l’essence même de l’esprit humain. Elles sont communes à toutes les sciences et inhérentes à la pensée humaine. Elles se mêlent à tous nos jugements, comme elles sont aussi mêlées à toute réalité. Ce sont, par exemple, les notions d’existence, de substance, de cause, de force, d’action et de réaction, de loi, de but, de mouvement, de devenir, etc. Ainsi ces principes, que l’on trouve à la racine de toutes les sciences, sont en même temps les principes de la raison humaine, et soit que l’on considère les uns ou les autres, il y a une science de premiers principes.
3° Ce n’est pas tout. Non seulement les sciences étudient les lois ou principes, mais elles étudient les causes. Or chaque science n’étudie que des causes particulières, et ces causes elles-mêmes doivent avoir leurs causes. Mais peut-on s’élever de cause en cause sans jamais en rencontrer de dernière ? Si nous cherchons la cause de toutes les choses de l’univers, prises séparément, n’y a-t-il pas lieu de chercher la cause de l’univers tout entier ? Si donc il y a une science des premiers principes, il y en a une aussi des premières causes : ou plutôt c’est la même, car principes et causes ne diffèrent que par abstraction.
Ainsi la science que nous cherchons sera donc la science de ce qu’il y a de plus général dans toutes les autres, la science des conceptions fondamentales de l’esprit humain, la science de l’être en tant qu’être, la science des premiers principes et des premières causes. C’est cette science que l’on convenu d’appeler, depuis Aristote, la METAPHYSIQUE.


12.Double objet de la philosophie. L’homme et Dieu. Unité de ces deux objets.

Il résulte des recherches précédentes qu’il y a au moins deux objets qui sont restés en dehors du cadre des sciences proprement dites. Ces deux objets sont : 1° l’esprit humain, présent à lui-même par la conscience ; 2° Les plus hautes généralités possibles, que nous avons appelées, avec Aristote, les premiers principes et les premières causes. On appelle PHILOSOPHIE la science ou les sciences qui s’occupent de ces deux objets ; et il y aura par conséquent deux sortes de philosophie : 1° la philosophie de l’esprit humain ; 2° la philosophie première.
Nous avons jusqu’ici présenté l’objet des sciences méthaphysiques comme l’on fait Aristote et les scolatique, sous la forme la plus abstraite : ( les premiers principes et les premières causes ), mais cet objet suprême n’a-t-il pas un nom plus concret et plus vivant, que le genre humain connaît, respecte et adore, à savoir Dieu ? Dieu n’est-il pas le principe de l’être, l’être en soi, l’être en tant qu’être ? N’est-ce pas en Dieu que se résument à la fois les premiers principes et les premières causes ? Aussi Aristote ne craint-il point d’appeler la métaphysique du nom de THEOLOGIE. Sans doute, il y a plusieurs parties et en quelque sorte plusieurs degrés dans la métaphysique, mais le point le plus culminant de cette science, c’est la science de Dieu, appelée aujourd’hui théodicée.
Ainsi, tandis que la base de la philosophie est l’homme, son terme et son dernier mot est Dieu. Comment ces deux termes ne seraient pas unis en une seule et même science ? Car il est le seul être qui pense à Dieu. ( L’homme se distingue de l’animal, a dit Hegel, en ce que celui-ci n’a pas de religion. ) D’autre part, l’homme est incomplet sans Dieu ; c’est par Dieu qu’il s’achève et qu’il se comprend. Aussi voit-on que depuis Socrate jusqu’à Descartes, et depuis Descartes jusqu’à Kant et jusqu’à Hegel, le problème, pour toutes les écoles philosophiques sans exception, a toujours été double ; qu’est-ce que l’homme ? qu’est-ce que Dieu ? D’après ces considérations, on pourra simplifier la double définition donnée plus haut et la ramener à une seule, en disant avec Bossuet (qu’elle est la connaissance de Dieu et de soi-même), ou la science de l’homme comme introduction à la science de Dieu.
Si nous rapprochons la définition précédente de celle que nous avons tirée plus haut des notions vulgaires ( voy.chp1), nous verrons qu’elles se répondent et se complètent l’une à l’autre, car ( la sagesse ) n’a pas de plus sûre condition que ( la connaissance de nous même), et les ( principes ) qui fondent la sagesse ont eux-même pour dernier fondement ( la connaissance de Dieu ). Enfin, ( la libre réflexion ), qui est la condition de toutes les sciences l’est à plus forte raison de la science des sciences, à savoir, la philosophie.
Nous avons à nous demander, laquelle de ces deux parties ( la science de l’homme et la science de Dieu ) doit précéder l’autre. Sans exagérer, comme on l’a fait, l’importance de cette question, nous croyons cependant être plus conforme à l’esprit de la science moderne en commençant par le plus connu pour nous élever au moins connu. Or, si peu connu que nous soit l’esprit humain, il nous l’est cependant plus que les premiers principes et les premières causes. Ce sera donc de l’homme que nous partirons pour nous élever à Dieu, et la psychologie sera pour nous la base de la théodicée.

13.Subdivisions.


Il nous reste à subdiviser les grandes parties de la philosophie que nous venons de distinguer, à savoir, la philosophie de l’esprit humain et la philosophie première.
La philosophie de l’esprit humain est la science qui traite des lois de la nature. Or, ces lois sont de deux sortes : les unes sont de l’esprit humain tel qu’il est ; les, autres les lois de l’esprit humain, tel qu’il devrait être. Les, unes sont empiriques, c’est à dire expriment les résultats de l’expérience ; les autres sont idéales et expriment le but vers lequel doivent tendre nos facultés. Il y aura donc d’abord une science qui étudiera nos facultés dans leur état réel et c’est ce que l’on appelle la PSYCHOLOGIE. Il y aura en outre plusieurs autres sciences ayant leurs racines dans cette science primitive, mais s’en distinguant en ce qu’elles étudient nos facultés à l’état idéal ; par exemple, l’étude des lois idéales de l’entendement s’appelle la LOGIQUE ; l’étude des lois idéales de la volonté s’appelle la MORALE. Un entendement idéale serait un entendement infaillible ; une volonté idéale serait une volonté impeccable. La logique est la science de l’entendement infaillible. La morale est la science de la volonté impeccable.
L’entendement et la volonté ne sont pas les seules facultés qui ont une règle idéale. Il en est de même de l’imagination. En fait, l’imagination peut concevoir tout ce qu’elle veut, comme l’entendement penser tout ce qui lui plaît, comme vouloir tout ce qui lui agrée, mais l’entendement ne doit pas tout penser, ni la volonté tout vouloir ; de même, l’imagination ne doit pas tout concevoir. De là une troisième science qui pour objet les lois idéales de l’imagination : c’est l’ESTHETIQUE.
Ce qui fait que l’entendement, la volonté, l’imagination ont des règles qui leur imposent direction plutôt que telle autre, c’est qu’elles ont un but, un objet qui est en dehors d’elle et qui les dépasse, et par là même leur commande. Le but de l’entendement, c’est le vrai ; le but de la volonté, c’est le bien ; le but de l’imagination c’est le beau. Le vrai, le bien et le beau sont donc les trois objet de la logique, de la morale et de l’esthétique. C’est pourquoi ces trois sciences, tout en se rattachant à la philosophie de l’esprit humain, puisqu’elles étudient les facultés humaines, tendent cependant à franchir les limites de cette philosophie, car, étudiant ces facultés au point de vue idéal, elle ramènent à leur principe, et sont ainsi le lien et en quelque sorte le passage de la psychologie à la métaphysique.
D’après les considérations précédentes, nous diviserons la philosophie de l’esprit humain en quatre parties : la psychologie, la logique, la morale et l’esthétique ; et partant du même principe que plus haut, à savoir, qu’il faut aller du plus connu au moins connu, nous commencerons par la psychologie, car l’état réel nous est plus connu et plus facilement connaissable que l’état idéal ; et ce n’est que de la connaissance du réel que l’on peut s’élever à la connaissance de l’idéal.
Quand à la seconde partie de la philosophie, ou philosophie première, elle était elle-même dans l’ancienne école subdivisée en plusieurs parties. Disons seulement qu’en tant qu’elle traite des principes en général et d’une manière abstraite, elle s’appelle métaphysique, et qu’en tant qu’elle traite de l’être suprême et de la première cause, elle s’appelle théodicée. L’une nous servira d’introduction à l’autre.
CHAPITRE PREMIER.- L’homme physique.- Description sommaire du corps humain, et principalement du système nerveux.



  1. psychologie prolégomènes.

  2. psychologie. les opérations sensitives.

  3. Phénomènes sensitifs. Les sensations.

  4. psychologie. les opérations intellectuelles : l'entendement.
  5. psychologie. les opérations intellectuelles : le sentiment et la volonté.

  6. Logique pure.

  7. Logique pure suite

  8. logique appliquée. méthodologie.

  9. morale

  10. morale pratique

  11. morale théorique
  12. notions de droit naturel et d'économie politique

  13. notions d'esthétique
  14. métaphysique et théodicée
  15. conclusion

  16. La philosophie de Lamennais

  17. La philosophie du bonheur
  18. Histoire de la Révolution Française

  19. Les causes finales

  20. Histoire de la philosophie

  21. Les maitres de la pensée moderne

  22. Le cerveau et la pensée

  23. la morale

  24. La Famille

  25. Fénelon

  26. V.Cousin



Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale.
Le matérialisme contemporain.
Philosophie de la Révolution Française.
Saint-Simon et le Saint-Simonisme.
Les origines du socialisme contemporain.
Dieu l'homme et la Béatitude.
Le médiateur plastique de Cudworth.
Leibniz, oeuvres philosophiques.