La fille dans La famille de Janet paul

 par Paul Janet

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Messieurs,
Vous savez d'avance de quel sujet je veux vous entretenir aujoud'hui ; je n'ai point à demander pardon de traiter un sujet si difficile et sur lequel j'aurais bien aimé pouvoir me déclarer incompétent ; mais l'ordre de ces études m'y amène naturellement. Si je réussis, mes précautions sont inutiles, si je ne réussis pas, elle le sont encore d'avantage. d'ailleurs, il est bien entendu que ces études ne sont que des essais, des tâtonnements, des propositions que je soumets à votre expérience pour les compléter, ou les corriger.
L'éducation des filles est une oeuvre bien plus difficile que celle des jeunes gens. l'homme est toujours quelque chose de plus mêlé et de plus confus que la femme ; on lui passe beaucoup de mal pour un peu de bien : pourvu que l'essentiel y soit, on est aisément satisfait. D'ailleurs, la jeunesse a ses privilèges : on ne juge point un homme fait sur ce qu'il a été jeune homme ; quelques fautes qu'il commette à cette époque que l'on apelle l'âge des folies, on espère toujours qu'il les réparera, et s'il les répare, tout est oublié. Dans la jeune fille au contraire, non-seulement le mal, mais l'apparence même du mal nuit au bonheur et à la réputation de toute la vie. il n'est point permis à la femme de passer par les fautes pour arriver à la sagesse : il faut qu'elle atteigne tout d'abord à cette vertu dont on exempte volontier le jeune homme, pourvu qu'il soit aimable. On exige d'elle la modestie, la discrétion, la parfaite innocence ; et on lui demande cependant d'être gracieuse et séduisante. On lui ordonne en quelque sorte de plaire, mais on ne lui pardonne point de se plaire trop à elle-même. Préparer la jeune fille à une vie solide et active, sans amortir le feu de son imagination, sans comprimer sa vivacité et sa grâce, cultiver son esprit et l'initier aux belles choses sans encourager un fastidieux pédantisme ou une funeste exaltation, l'élever dans la famille et pour la famille, sans la rendre étrangère aux convenances et à l'élégance du monde, telles sont les difficiles conditions de l'éducation des femmes. Les uns, donnant beaucoup et avec raison à la solidité, l'entendent souvent d'une manière un peu étroite, n'attache point assez de prix, je ne dis point à ce qui brille, mais à ce qui plaît, et paraissent ignorer ou dédaigner ce je ne sais quoi qui fait le charme de la femme. Les autres, plus mal inspirés encore, prennent les dehors et les apparences pour des mérites réels, travaillent à façonner des personnes élégantes et brillantes, et non pas des personnes vraiment aimables, oubliant que la grâce est une qualité de l'âme et que le charme intérieur est le seul qui attache et qui retient.
( annotation Apj, ce qui suit est de toutes évidences lié à l'époque de l'écrit. une époque ou la technologie ne permettait pas la contraception. Une époque ou le sort était souvent funeste, pour la jeune fille voulant découvrir la vie. Ce jour, cette libertée accordée au jeune homme, est aquise pour les jeunes filles, et de fait les mots qui suivent ne sont que le reflet des anciennes chaines qu'ont du porter nos ancêtres féminins. En aucun cas, nous ne pouvons raisonner, ou appliquer ce qui suit sans faire preuve de cruauté.)
Autant il nous a paru utile et sage de confier le jeune homme à l'éducation publique, autant il semble convenable de retenir la jeune fille à l'intérieur, et de la laisser grandir sous l'oeil de la mère. Dans la vie des hommes, l'instruction joue un grand rôle, et elle est une bonne partie de l'éducation : on peut donc lui sacrifier beaucoup  ; or, il n'y a guère d'instruction satisfaisante que dans les écoles publiques. Mais pour les filles, l'instruction est bien moins importante ; et le fût-elle davantage, elle ne pourrait compenser le danger des éducations en commun.



La famille

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Le père et la mère

L'enfant

Le fils

Le siècle et la famille

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